Copyright Pierre Déom - la Hulotte

La Hulotte , le journal le plus lu dans les terriers, est un ˝ irrégulomadaire ˝ destiné aux « enfants » âgés de huit à quatre vingt dix neuf ans et plus. Il décrit sur un ton humoristique les mœurs des animaux des bois et des champs. Les articles sont documentés et précis, illustrés de dessins à la plume très réalistes et font de la Hulotte un ouvrage de référence dans le domaine.

           
           
Une visite qui restera dans les souvenirs...

Le 30 mars 2007, à Boult aux Bois, une délégation de Graine d’Ortie à rencontré Pierre DEOM, créateur, dessinateur et rédacteur de ce journal mythique pour nombre d’entre nous.

Graine d’Ortie  : Depuis quand La Hulotte existe-t-elle ?

Pierre Déom : Le premier numéro a été créé en 1972 à Boult-aux-Bois dans les Ardennes. Dans les années 70 il y avait peu de publications et d’informations sur la nature « locale ». Les émissions TV et les livres étaient surtout consacrés aux grands animaux d’Afrique et d’Asie. Jeune instituteur, j’ai eu envie de créer un réseau de clubs nature entre les différentes écoles ardennaises et la Hulotte était destinée à servir de lien entre les écoles en rassemblant les courriers des différents clubs. En fait, à la place de 100 clubs escomptés, seuls 25 se sont mis en place. Il n’y avait pas suffisamment de courriers à publier, donc j’ai complété avec quelques articles sur les animaux des bois et des champs.

G. O. :Pourquoi ne trouve t-on pas de réédition des numéros un à cinq ?

P.D. : Les numéros 1 à 5 comportent essentiellement des courriers, avec des infos très locales, et ne présentent pas d’intérêt en dehors de leur contexte géographique et temporel. A partir du numéro 6, le contenu comporte quasiment exclusivement des « infos nature » destinées à tous.

G.O. : Pourquoi avoir choisi le nom : la Hulotte ?

P.D. : C’est un oiseau que j’aime beaucoup, très commun dans les forêts ardennaises. Il a une tête sympathique, et un cri intrigant. Les personnes curieuses sont interpellées par le cri. Le journal, c’est un peu la même chose : les lecteurs sont intrigués par les thèmes abordés et j’espère les captiver par le contenu.Ce n’est pas un énième manuel sur la faune ou la flore, mais un véritable journal de bord. J’ai envie de partager la richesse de la nature locale avec le public et surtout les enfants, et les inciter à la préserver le plus longtemps possible.
De plus, la silhouette humanoïde de la hulotte, debout sur ses pieds, est facile à utiliser pour donner des messages dans les livres.

G.O. : Comment choisissez-vous les thèmes ?

P.D. : Les thèmes sont choisis en fonction de l’envie du moment, d’un coup de cœur lors d’une promenade…

Le fait d’être indépendant pour la publication donne une grande liberté dans le choix des sujets. Par exemple, le numéro de la Hulotte consacré aux araignées n’aurait sans doute jamais été accepté par un éditeur, car le sujet n’est pas « commercial ». Pourtant les abonnés qui le reçoivent le lisent, alors qu’ils ne l’auraient peut-être pas acheté spontanément.

 

 

D’ailleurs, à titre d’anecdote, une personne souffrant de phobie des araignées m’a raconté qu’elle avait fait scanné le journal par son fils pour pouvoir lire les textes sans être inhibée par la présence des illustrations qu’elle ne pouvait pas supporter. Elle a donc quand même pu lire le texte et a appris des choses intéressantes.

G.O. : Comment naît un numéro ?

P.D. : . Une fois le thème choisi, les recherches peuvent commencer. Je travaille avec une documentaliste et nous faisons la recherche la plus exhaustive possible de tous les textes et publications parlant du sujet qui nous intéresse (livres, mémoires scientifiques, internet, bibliographies scientifiques…). Il m’arrive de faire appel à un traducteur si les textes trouvés sont dans une langue étrangère.
Nous constituons un document de travail rassemblant toutes ces données, avec à chaque fois les références du document source. Ce document de travail sert de base à la rédaction d’un autre document plus synthétique, qui rassemble les informations sélectionnées pour l’article de la Hulotte. Si des questions subsistent, je sollicite une rencontre avec un spécialiste de la question. Bien souvent, il détient des connaissances non publiées, car en marge de son sujet de publication.
Une fois la rédaction terminée, je fais les illustrations. Je procède de la même manière que pour les textes, afin d’avoir un dessin très représentatif : les photos et représentations collectées dans le document de travail sont répertoriées en fonction de la partie de l’animal qu’elles représentent le mieux. Un dessin peut avoir pour modèle 10 photos différentes (une pour chaque patte, une pour la tête, …) permettant de donner une vue didactique très précise de l’animal. Les dessins sont réalisés à la plume en grand format (160 à 200 % par rapport à la taille de publication), ce qui permet de soigner les détails, puis ils sont réduits et intégrés dans la brochure.
Le temps consacré au dessin représente 40 à 60 % du temps passé à la conception de l’article (ou du numéro), le reste étant occupé par les recherches documentaires et la rédaction des textes.

G.O. : N’avez-vous jamais été tenté de travailler avec un éditeur ou une maison d’édition ?

P.D. : Pas vraiment, car une maison d’édition vous impose des thèmes « à la mode ». Cela limite ma liberté d’expression et mes coups de cœur. Des manuels en couleur sur les animaux, il en existe des milliers, mais un journal, illustré à la plume, cela me convient beaucoup mieux. Je préfère rester indépendant et fonctionner par VPC pour la vente du journal. .

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G.O. : Pensez-vous former quelqu’un pour « prendre la suite » ?

P.D. : Non. La Hulotte existe par mes recherches et mes dessins, un peu comme un dessinateur de bande dessinée. Cela n’aurait pas de sens de le faire continuer par quelqu’un d’autre.

G.O. :A combien d’exemplaires la Hulotte est-elle tirée ?

P.D. : 175 000 tirages par numéro. Il est vendu en France, dans plusieurs pays d’Europe et au Maghreb.

C’est un irrégulomadaire, mais nous nous efforçons de garder le rythme de deux numéros par an, par respect pour nos abonnés qui attendent toujours impatiemment leur journal.

G.O. :Combien de personnes travaillent pour le journal ?

P.D. : Pour la partie conception, nous sommes deux : la documentaliste et moi, avec l’aide ponctuelle d’un traducteur.

La partie administrative, gestion des abonnements, du site internet, des ventes connexes, est assurée par cinq personnes dont ma femme qui est directrice de la publication.

G.O. : Quel regard rétrospectif portez-vous sur cette aventure ?

P.D. : Lorsque j’ai débuté, j’étais instituteur, mais j’ai rapidement dû choisir entre ma profession et   La Hulotte , car il était impossible de faire les deux. Je n’avais pas mesuré l’ampleur que ce journal prendrait au fur et à mesure des années. Si on m’avait dit qu’il serait, un jour, imprimé à 175 000 exemplaires, je ne l’aurais pas cru.
J’ai toujours aimé faire partager mes connaissances, et faire découvrir aux enfants la richesse de la nature qui nous entoure. Au lieu de le faire dans une classe, je le fais par l’intermédiaire de la Hulotte.

 

 

 

 

 

 

 

Nous remercions chaleureusement Pierre et Christine DEOM de nous avoir consacré leur temps précieux, pour nous parler de ce journal « mythique » pour nombre d’entre nous, et que nous retrouvons toujours avec un grand plaisir dans notre boîte aux lettres. .
Longue vie à La Hulotte, à Pierre Déom et à toute son équipe. Nous espérons qu’il nous enchantera encore longtemps.